Mr Sleek, la Vérité derrière l'Image
Cette page a pour but de donner toutes les explications concernant mon court-métrage "Mr Sleek".
Allez voir le métrage d'abord.
Avertissement : l'histoire de ce court-métrage a été pensée, conçue et rédigée AVANT la pandémie de COVID-19.
Tout est parti d'un rêve. Un simple rêve.
Une nuit, j'ai rêvé qu'une personne donnait son souffle de vie à une autre, volontairement et paisiblement.
Mais comment est-ce possible d'offrir sa vie "volontairement" ? Un suicide ? Non. Le sentiment ne collait pas. Donc pour quelle raison ?
Cette question m'a trotté dans la tête pendant un moment. Une métaphore sur le don d'organe ? Oui, pourquoi pas, cela correspond au sentiment. Mais je voulais parler d'autre chose, de plus fort, de plus profond. Il fallait mettre un mot dessus.
Un jour, j'ai trouvé : l'abnégation.
Je souhaitais traiter cette abnégation au travers de deux histoires en parallèle, deux parcours de vie, qui se sacrifient pour les autres : le parent pour son enfant (ici une maman) et une personne du milieu médical pour ses patients (ici les infirmières).
Côté parent, je pense que 95 % des mamans du monde donneraient leur vie pour sauver celle de leur enfant. Côté milieu médical, la pandémie qui a déferlé en 2020 a conforté leur dévotion du quotidien.
Cette histoire emprunte plusieurs genres : le thriller au début, le fantastique et la fable. Ce court-métrage est au final, un conte moderne, avec même une partie chantée au milieu.
Le métrage n'est pas dans l'ordre chronologique...
Mr Sleek récupère le dernier souffle de vie d'une vieille dame. Est-il un tueur ?
Il rentre habituellement chez lui : une vieille église, oubliée par le temps, coincée entre deux immeubles.
Il raffine le souffle par des procédés chimiques. On s'apercevra que cette scène était dans le passé.
Il va "capturer" le dernier souffle d'un bébé... Ce serait vraiment un tueur ? On s'apercevra que cette scène était dans le passé.
En parallèle, une infirmière partant à la retraite essaie de convaincre sa collègue à propos de Mr Sleek.
Mr Sleek rentre chez lui mais est interrompu par le sentiment que quelqu'un a besoin de lui. On comprendra plus tard, qu'il rentre de chez la veille dame du début.
Au final, Mr Sleek donne son propre souffle de vie pour sauver complètement la jeune fille et repart très fatigué.
Mr Sleek revient chez lui pour retrouver de l'énergie, avec des "collecteurs de souffle", raffinés et prêts en secours.
C'est l'heure de partir, il est en retard : il doit aller à la clinique.
L'infirmière arrive à convaincre sa jeune collègue, selon quoi, bébé, elle a été sauvée par Mr Sleek, en lui rappelant la chanson qu'elle chantait étant jeune.
On voit Élodie bébé, il y a 25 ans.
De nos jours, Élodie rencontre enfin Mr Sleek. Elle a su y croire.
La vielle dame du début explique qu'elle souhaitait mourir au final. Ce n'était pas un meurtre.
Le passage de flambeau est effectué. Élodie retrouve confiance en elle.
Il y a 25 ans, Mr Sleek a transféré un "souffle de vie" à un bébé. Sauf qu'avant d'être sauvé, le bébé "meurt".
Mais le dernier va survivre et être miraculeusement guéri.
Le bébé s'avère être Élodie... Grâce au doudou en forme de lapin.
C'est la question la plus posée.
Pourquoi avoir utilisé un effet « image dessinée » ?
C'est un effet « toon », qui transforme l'image par aplat de couleurs.
Trois raisons à cela :
- 1. Parce que cela me plaît. Tout simplement. Chaque image ressemble à une case de bande-dessinée et je trouve cela très beau. Jugez par vous-même sur cette page.
- 2. Parce que cela correspond au thème du "conte moderne". Le côté « dessin animé immisce le spectateur dans ce thème avec une certaine poésie.
- 3. Enfin, parce que c'est plus facile techniquement. En effet, au niveau amateur, il est clairement difficile de faire une incrustation captée sur fond vert, de manière crédible. Ici, tout était plus simple : chaque plan est une superposition de calques indépendants. Inutile de gérer la source de la lumière.
Dans le générique, il y a un petit making-of qui illustre les étapes de superpositions de calques.
Cette partie est purement technique. Si vous n'êtes pas intéressé, continuez au prochain chapitre.
Tout le métrage a été donc filmé sur fond vert. J'ai imagimé les lieux de tournages virtuellement.
Des designers 3D les ont conçus avec un logiciel libre et gratuit (BLENDER 3D). Il a suffit de poser ensuite une caméra virtuelle et faire les rendus.
Non. Car la caméra n'est jamais en mouvement lors du tournage, ce ne sont que des plans fixes.
Je me suis simplifié la vie sur ce court-métrage. Là, je me sentais de faire un tournage sur fond-vert, mais en statique (n'ayant pas assez d'expérience là-dedans).
Il a fallu gérer des cas compliqués malgré tout.
Comme mon salon qui n'est pas suffisamment grand parfois, donc on a dû couper des plans en deux.
On a préparé les fonds 3D en amont du tournage, même parfois en ultra-simplifié.
Puis lors du tournage on a prévisualisé le plan avec le fond vert retiré en direct avec un outil, puis on a calé les lignes de fuite avec des manches à balai, qui devaient correspondre aux lignes des fonds 3D.
Les marqueurs roses sous les pieds de l'actrice, sont uniquement présents pour se repositionner après une pause...
Exactement. J'ai aligné la réalité sur ma scène 3D Blender, déjà prérendue.
C'était plus efficace lors du tournage. Cependant, il fallait être sûr des plans en amont.
C'est pourquoi j'ai travaillé et placé mes plans 3D avec des modèles 3D d'humain générique, avec leur NOM au dessus de leurs têtes.
Je pouvais prévisualiser toutes les scènes avant d'avoir tourné le moindre plan en réel. Mais après, plus le droit à l'imprévu. C'était l'inconvénient.
J'ai vu plusieurs making of où les réalisateurs prévisualisaient le tout avant. Notamment Peter Jackson avec la trilogie du 'Seigneur des Anneaux'. Je me suis inspiré de cette méthodologie.
Oui. Sur certains plans.
Par exemple, quand Mr Sleek s'assoit sur une chaise il s'appuie sur une table.
La table est virtuelle. C'était une table avec un fond vert dessus qui masque automatiquement son corps et son coude.
Par contre, le "collecteur de souffle" est bien un objet réel.
Si le spectateur ne voit pas l'effet, alors il reste dans l'histoire et l'émotion et c'est parfait.
Les meilleurs effets visuels sont ceux qui ne se voient pas.
Non. 80% des fonds sont en 3D. Le reste (pour des plans fixes) sont des photos travaillées.
Les plans en 2D sont les suivants : l'église entre 2 immeubles, l'arrière de la maison du vieux monsieur et l'extérieur de la maison de retraire de la vielle dame du début.
C'était plus facile de créer des images 2D à partir de photos, pour un plan statique à chaque fois.
La ville est une photo préparée et pré-découpée numériquement pour de la 2D et demi.
Cela permet une gestion du parallaxe, pour faire illusion que c'était en 3D.
Ensuite, la route est en 3D pure. La transition se fait parfaitement puisque c'est uniquement l'arrière plan qui est en 2D et demi.
Pour les images purement 2D, j'ai parfois fait un léger zoom 2D. De plus, j'ai souvent rajouté un lumière légèrement clignotante (un lampadaire). Cela donnait "de la vie" à l'image, qui paraissait animée.
Cette histoire est une conte moderne. Et je voulais une comptine pour accompagner l'histoire, et provoquer la remonté de souvenir de la jeune infirmière, jouée par Leïla SERHANI.
Je voulais une comptine simple et répétitive. Sébastien ANSCIEAU me l'a donnée. Elle est magnifique.
C'est la seule chanson du film mais traitée de manière différente, tout le long du métrage: au début elle est fredonnée, puis chantée, puis en musique de générique.
Enfin, la voix de Fanny BOUTEILLOUX (qui joue le rôle de l'infirmière 25 ans plus jeune) sublime le texte.
Non. Pas en entier.
La sonorisation est l'équivalent d'une animation.
Comme tout est 'virtuel', il n'y a que les voix des acteurs présents.
Tous les autres sons son fabriqués, importés, mixés pour donner une crédibilité au métrage. Si vous ne l'avez pas remarqué, c'est que j'ai bien fait mon travail...
Mr Sleek est un "ange", tout simplement. Il a le pouvoir de capturer le "dernier souffle de vie", d'une personne désirant mourir, pour le transférer à quelqu'un qu'il juge en avoir besoin. Il est un régulateur.
Il peut raffiner ce "souffle de vie" à l'aide d'un kit de chimiste (un peu vieux), pour le rendre "plus puissant". Probalement créé par des alchimistes du XIXe siècle. C'est non vu dans le métrage.
Enfin, le transfère à ceux qu'il juge en avoir le plus besoin.
Ses pouvoirs sont plus étendus : il peut "sentir" la détresse des gens à distance. Par exemple, quand il marche dans la rue pour revenir chez lui, il se fige et change de direction, car une personne, la jeune fille blessée dans le métro, a besoin de lui.
Il traîne dans les couloirs de la clinique pour trouver des gens à sauver. Il "sent" ceux qui ont besoin de lui. Il doit faire un choix. Tous ne peuvent pas être sauvés.
Mr Sleek personnifie le côté aléatoire d'une rémission miraculeuse ("le corps de remet d'un coup") et de l'arrêt foudroyant de vivre.
Mr Sleek est un "ange" donc, on peut dire qu'il vieillit beaucoup plus lentement qu'un humain lambda. Depuis 25 ans, il n'a pas changé physiquement...
Il faut un peu "croire" pour le "voir". Ne cherchez pas. C'est poétique... 😉
L'actrice qui joue Mr Sleek (Kimberly SCULLY-MONTELS) n'est pas plus grande que les autres, elle mesure 1m73. Mais Mr Sleek devait mesurer 2m !
Il a fallu la "grandir" (l'étirer "logiciellement") de 15% par rapport à tous les autres acteurs. Par conséquent, elle a été filmée toujours séparément des autres. Cela faisait un calque supplémentaires.
Un des rares plans où elle interagit avec un autre acteur (ici avec Adrien BENECH, 1m80) pendant les prises de vue est dans le tunnel. Elle est montée sur un support pour paraître plus grande. Cf. l'image ci-dessous.
Je voulais montrer un "ange", une personne mi-homme mi-femme. Donc j'ai choisi Kimberly pour ce rôle.
Sa grâce naturelle et le maquillage de son visage (ombrage des fossettes et visage plus anguleux, qui sont typiques d'un visage masculin), appuient sur l'ambivalescence du personnage.
Il n'a pas pu sauver la jeune fille directement, rien qu'avec le souffle de la vielle dame du début, car non encore raffiné.
Il a dû extraire son propre souffle pour "compléter la dose de souffle de vie donné précédemment". Sauf que pour lui-même, il n'extrait pas "toute la vie". Il peut en garder.
Certains diront "Deus-Ex-Machina". Oui, c'est vrai. Mais introduire cette notion dans un court-métrage n'était pas possible. Donc, c'était un choix assumé.
Bref, la physiologie des anges est complexe : elle est étudiée par l'angiologie... 😉
J'ai eu la chance de travailler avec la maquilleuse Claire OGRODOWSKI. Nous avons fait plusieurs test afin de trouver le bon niveau de maquillage.
Elle a accentué les traits de visage... au 'liner' directement ! En effet, l'effet Toon "aplatit" l'image excessivement et gommait les trait subtils.
Par conséquent, les traits de maquillage étaient des "lignes noires". Lors du tournage, cela faisait étrange. On se serait cru à "Halloween".
Par exemple, Marie-Cécile FOURÈS, l'infirmière partant à la retraite, s'est vue affublée de traits "noirs" épais, qui simulaient des rides sur le front.
Ce n'était pas très beau, mais on savait qu'après l'effet Toon, cela rendrait correctement.
L'écriture : 1 mois.
La préparation : 1 an (en incluant l'année spéciale de 2020)
Le tournage : 4 jours
La post production : 8 mois
En tout : plus de 400 heures de travail (soit autant que la totalité de tous mes précédents projets vidéos)
Autant dire qu'en post-prod, je me suis senti très seul... Comme Mr Sleek.
Le scénario aborde d'autres thématiques :
- « les miracles médicaux » et les « morts subites », où Mr Sleek personnifie le côté aléatoire de cette rémission miraculeuse et de cet arrêt de vivre. Il les relie même.
- « Le passage à l'âge adulte » (la confiance en soi gagnée par la jeune infirmière), représentée par sa mèche de cheveux rebelle ;
- « la solitude des personnes âgées », représentée par l'album photo qui reste le seul lien entre une personne âgée et sa famille ;
- « l'oppression sociétale », représentée par l'habitation de Mr Sleek, une église comprimée entre deux immeubles et par l'omniprésence de la "ville" (via le son notamment) ;
- « le handicap », Mr Sleek est muet et la mère, jouée par Céline CHEURET, était en fauteuil roulant ;
- « l'espoir », la pleine lune ouvre et termine le métrage et est présente dans chaque plan large, qui introduit un lieu.
En conclusion, en tant que scénariste et réalisateur, l'histoire et le court-métrage me semblent crédibles, compréhensibles et poétiques. J'en suis très fier et je remercie toute l'équipe technique, les actrices et les acteurs qui ont donné corps à cette intrigue.
Mr Sleek personnifie un concept différent pour chacun de nous : un ange, un bon samaritain, un miracle, de la chance... Pour moi, il représente l'abnégation, de quelqu'un qui se sacrifie pour les autres. Ce à quoi nous devrions tous être attentifs... Et acteurs parfois.
Merci pour votre lecture. Moi, je vais continuer à rêver...
-- Marc ROZIER, scénariste et réalisateur de Mr Sleek.
Un grand MERCI à tous les membres l'équipe (acteurs, actrices, techniciens, techniciennes de plateau, graphistes, chanteuse et musicien) qui ont participé à rendre mon projet et ma vision concrets.